La Quadrature du Net et cinq[1] autres ONG ont annoncé avoir déposé un recours concernant le décret[2] d’application du règlement[3] de l’Union européenne sur la gestion des contenus terroristes.

Ce règlement introduit un mécanisme de censure administrative des contenus postés sur le Web et permet aux États de nommer une autorité[4] qui pourra émettre des injections de retrait aux hébergeurs concernant des contenus jugés « terroristes ». Le Règlement demande également aux hébergeurs mis en cause de retirer les contenus incriminés « dès que possible et, en tout état de cause, dans un délai d’une heure à compter de la réception de l’injonction de retrait », sous peine d’un an d’emprisonnement ou d’une amende de 250 000 euros d’amendes (ou 4 % du CA mondial de l’hébergeur).

L’organisation militante française considère que l’application de ce règlement « porte une atteinte grave à la liberté d’expression et réduit ainsi ce droit de manière illégitime et disproportionnée », car :

  • le délai particulièrement court –une heure maximum– imposé aux hébergeurs ne leur « permet pas d’apprécier le caractère légitime de l’injonction et ne laisse donc au fournisseur de services d’hébergement d’autre choix que de retirer le contenu notifié, que celui-ci soit effectivement à caractère terroriste ou non » ;
  • ce délai n’est pas suspensif en cas de recours ;
  • les autorités nommées ne sont pas indépendantes ni impartiales – en France, la direction de la police nationale est par exemple nommée, organisme qui dépend du ministère de l’Intérieur ;
  • les hébergeurs auront l’obligation de « mettre en œuvre des mesures spécifiques pour prévenir l’apparition sur leurs services d’hébergement de tels contenus sans attendre une injonction de retrait ».

La Quadrature considère, par ailleurs, que ce texte est contraire au droit à la vie privée et au droit à la protection des données personnelles prévus par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et par Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH), puisque des traitements de surveillance des données devront être implémentés par les hébergeurs sur l’ensemble, ou une grande partie, des données traitées.

Lire :

Notes et références

  1. European Center for Not-for-Profit Law Stichtin (ECNL), Access Now Europe, EDRi, la fondation Stichting et Wikimedia France.
  2. Décret n° 2023-432 du 3 juin 2023 relatif au retrait des contenus à caractère terroriste en ligne, pris en application des articles 6-1-1 et 6-1-5 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
  3. Règlement (UE) 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne.
  4. En France, trois autorités ont été nommées : la direction générale de la police nationale, l’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC) et l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM).
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