Dans le cadre du projet de loi « Simplification de la vie économique », le Sénat a adopté le 24 mai 2024 un amendement permettant de rendre non communicables « les documents reçus ou produits par la Commission nationale de l’informatique et des libertés dans le cadre de l’instruction des demandes de conseil ou des programmes d’accompagnement ».

Pour motiver l’adoption de ce texte, la sénatrice (LR) Catherine DI FOLCO explique que l’amendement, « travaillé en collaboration avec la CNIL », « paraît ainsi de nature à encourager les entreprises à solliciter les programmes d’accompagnement de la CNIL en sécurisant leurs conditions de mise en œuvre » et permet de « renforcer la portée opérationnelle de l’article 23 du présent projet de loi, dont l’objectif est de favoriser une innovation respectueuse du droit à la vie privée et à la protection des données personnelles »[1].

La sénatrice explique également que « des difficultés pratiques ont en effet été rencontrées en la matière, les entreprises concernées n’ayant en général pas conscience que leur demande d’accompagnement ou d’information auprès de la CNIL était susceptible de créer un droit de communication au titre des documents échangés à cette occasion ».

« Au 1° de l’article L. 311-5 du code des relations entre public et l’administration, après les mots : « relative à la transparence de la vie publique, », sont insérés les mots : « les documents reçus ou produits par la Commission nationale de l’informatique et des libertés dans le cadre de l’instruction des demandes de conseil ou des programmes d’accompagnement mis en œuvre en application du e du 2° du I de l’article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, lorsque ces documents ne sont pas relatifs à une mission de service public confiée au responsable de traitement concerné, » ».

Si ce texte est finalement adopté par le Sénat, puis par l’Assemblée nationale, une dérogation supplémentaire au droit d’accès aux documents administratifs serait alors insérée dans la loi, dans le 1° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration, ce qui permettrait à la CNIL de s’opposer à la communication de ses travaux aux citoyens qui en font la demande.

Cet amendement a été proposé et adopté trois mois après le dépôt d’une requête au tribunal administratif par eWatchers pour obtenir la communication des documents produits ou reçus par la CNIL dans le cadre de son accompagnement de la société VALIUZ (voir « La CNIL a aidé la société VALIUZ à réaliser un profilage de masse des Français, mais refuse de l’assumer »).

Mise à jour du 1er juin 2024 : Un amendement visant à annuler le caractère non communicable des documents, et à retourner à la situation initiale, a été proposé par le sénateur Pierre BARROS. Il sera débattu et voté lors de la prochaine séance, dans les prochains jours.

« Cet amendement propose de supprimer cet alinéa ajouté par l’amendement de la rapporteure visant à la création d’une nouvelle exception au droit d’accès aux documents administratifs organisé au livre III du CRPA.

En effet, nous considérons que la CNIL dispose déjà de tous les outils nécessaires pour s’opposer à la communication des informations réellement susceptibles de porter atteinte aux entreprises bénéficiaires de ceux de ses services d’accompagnement et de conseil mentionné dans le présent alinéa visé par notre amendement. »

Mise à jour du 6 juin 2024 : L’amendement visant à retourner à la situation initiale et permettre la communication des documents de la CNIL a été rejeté, comme le demandaient la rapporteuse du texte, la sénatrice DI FALCO, et le gouvernement.

Madame DI FALCO a affirmé que cette mesure d’interdiction était « une mesure de bon sens », car « une entreprise faisant de bonne foi appel aux services de la CNIL ne doit pas avoir à craindre que les documents échangés dans ce cadre soient communicables ».

« Cette mesure [d’interdiction] a été préparée en concertation avec la CNIL et elle nous parait de bon sens. Une entreprise faisant de bonne foi appel aux services de la CNIL ne doit pas avoir à craindre que les documents échangés dans ce cadre soient communicables.

Ce dispositif ne s’appliqueraient bien entendu pas aux entreprises chargées d’un service public. »

Mise à jour du 11 juin 2024 : Tous les projets de loi discutés à l’Assemblée nationale ou au Sénat sont suspendus suite à l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président Macron, le 9 juin 2024.

Le projet de loi « Simplification de la vie économique », qui intégrait l’amendement contesté, ne sera donc pas voté le 11 juin au Sénat et ne rentrera pas en application le 1er juillet, comme cela était initialement envisagé. Le texte pourra toutefois être repris par la nouvelle législature.

L'avis d'eWatchers (par Morgan Schmiedt)

La CNIL fait tout ce qu’elle peut pour rendre confidentiels ses travaux. Elle a, dans un premier temps, refuser de communiquer les documents de travail puis, constatant probablement qu’elle n’aura pas gain de cause devant le juge, tente de corrompre les parlementaires pour modifier la loi.

La Commission veut simplement pouvoir aider les entreprises de son choix, sans rendre de comptes, soux prétexte de « simplifier la vie économique ». Cet amendement et le lobbying de la CNIL sont scandaleux et contraires à l’intérêt général.

Liens

Notes et références

  1. La citation est issue du rapport du Sénat sur l’article 23 du projet de loi.