Le Conseil d’État a décidé de rejeter la demande de suspension de l’interdiction du réseau social TikTok en Nouvelle-Calédonie, estimant que la condition d’urgence n’était pas démontrée.

Lors de l’audience du 21 mai, le gouvernement a justifié la légalité de sa décision, non pas en application de l’état d’urgence comme cela était soupçonné initiallement, mais par la « théorique des circonstances exceptionnelles », un concept jurisprudentiel qui autorise l’État, dans des cas particulièrement exceptionnels comme des périodes de crise ou de guerre, « à s’affranchir des règles habituelles » et à « disposer de pouvoirs exceptionnellement étendus afin d’assurer la continuité des services publics »[1].

Le juge, manifestement peu convaincu par l’argumentaire du gouvernement, a toutefois accordé un délai supplémentaire de 24 heures au gouvernement pour lui permettre d’apporter des éléments complémentaires.

Malgré cette demande, le juge des référés a finalement refusé de statuer sur la légalité de cette mesure inédite d’interdiction :

  • car « l’atteinte à une liberté fondamentale ne saurait suffire pour caractériser une situation d’urgence » ;
  • car la mesure, qui a un « caractère limité et temporaire », aurait permis de « contribuer à la baisse des tensions » sur le territoire, selon les dires du gouvernement ; et
  • car « le gouvernement s’[est] engagé […] à lever immédiatement la mesure dès que les troubles l’ayant justifiée cesseront ».

« Mais il résulte de l’instruction que la décision contestée porte sur le blocage d’un seul réseau social sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie, l’ensemble des autres réseaux sociaux et moyens de communication, la presse, les télévisions et radios n’étant en rien affectés et que cette mesure de blocage doit prendre fin dans de très brefs délais, le gouvernement s’étant engagé, dans le dernier état de ses écritures, à lever immédiatement la mesure dès que les troubles l’ayant justifiée cesseront. »

— Conseil d’Etat, 23 mai 2024, n°494328, §9

La mesure de blocage de TikTok est donc maintenue en Nouvelle-Calédonie pour une durée indéterminée. Une décision sur le fond pourra être rendue ultérieurement.

L'avis d'eWatchers (par Morgan Schmiedt)

Le gouvernement peut donc suspendre l’accès à un réseau social et avouer ne pas pouvoir justifier de la légalité de la mesure, mais la justice refuse d’intervenir sous prétexte que d’autres réseaux sociaux existent et que les personnes peuvent s’informer par d’autres moyens.

Cette décision est très préoccupante. Cela voudrait dire que les Français ne disposent d’aucune procédure pour contester la censure d’un réseau social par le gouvernement.

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Notes et références

  1. Voir La Théorie des circonstances exceptionnelles.
Sigles et acronymes
  • ONG : Organisation Non Gouvernementale
  • CEDH : Cour européenne des droits de l’homme